Les produits phytosanitaires (herbicides, fongicides et insecticides, etc.) agissent contre les organismes nuisibles pour la santé des végétaux. L’usage de ces produits, notamment ceux issus de la chimie de synthèse, connaît une importante remise en question depuis quelques années en Suisse. La gamme de produits autorisés par la législation suisse est en constante diminution et les conditions gouvernant leur application sont devenues de plus en plus strictes. Cette évolution concerne tous les domaines dans lesquels ces produits sont utilisés, y compris les terrains de golf.
Des préoccupations liées à la protection de la santé publique et à celle de l’environnement sous-tendent ces restrictions. L’objectif est de réduire le risque sanitaire pour les personnes qui sont en contact direct avec ces produits (agriculteurs, jardiniers, etc.), ainsi que celles qui y sont indirectement exposées (consommateurs, promeneurs ou utilisateurs de terrains sportifs). L’impact de ces produits sur l’environnement (pollution des eaux souterraines et superficielles, accumulation dans les sols, atteintes à la biodiversité) est également au cœur des préoccupations.
Jugeant cette thématique prioritaire, Swiss Golf considère que les clubs suisses doivent se préparer à une possible interdiction totale des produits phytosanitaires de synthèse d’ici la fin de la décennie. A noter que de telles interdictions sont déjà appliquées – ou sur le point de l’être – dans les pays voisins. En Belgique, la Wallonie a interdit tous les produits phytosanitaires de synthèse en 2018, et cette interdiction s’applique aussi aux terrains de golf. En France, la loi Labbé exige qu’à partir du 1er janvier 2025, tous les terrains de sport français, y compris les parcours de golf, soient entretenus sans ces produits.
Entretenir les parcours de golf sans produits phytosanitaires de synthèse représente un défi majeur pour le secteur golfique qui devra développer des approches alternatives, en misant notamment sur une utilisation accrue des opérations mécaniques (aération, sablage) pour rendre les surfaces plus résistantes, de nouvelles variétés de gazon, une amélioration de la microfaune dans le sol, ou encore une modification de la hauteur de coupe.
Des recherches sont menées actuellement en Suisse, mais aussi en Europe sous l’égide de la « European Golf Association » (EGA), pour identifier les différentes mesures qui permettront d’assurer la qualité des parcours de golf sans produits phytosanitaires de synthèse. Et gardons à l’esprit que, si elle représente un défi important pour le secteur golfique, l’utilisation décroissante des produits phytosanitaires de synthèse aura des effets positifs pour la santé du personnel d’entretien et celle des golfeurs, ainsi que pour la préservation de l’environnement.
L’évolution de la réglementation suisse concernant les produits phytosanitaires de synthèse impacte déjà le travail des greenkeepers au Golf de Lavaux et les oblige à revoir certaines pratiques.
Ces dernières années, de nombreux produits ont été retirés du marché suisse et n’ont pas été remplacés. On peut citer par exemple le chlorothalonil, un fongicide à large spectre utilisé pour traiter les greens et les aires de départ, qui a été interdit en 2020. Les fongicides de type strobilurine, qui étaient appliqués à titre préventif jusqu’à 8 ou 9 fois par année, sont maintenant limités à 3 applications annuelles, ce qui signifie que les greenkeepers ne les utilisent plus que pour des traitements curatifs. D’autres produits, notamment les herbicides et les insecticides, sont remplacés par des substituts biologiques, moins efficaces. Le trèfle se plaît sur le sol argileux du Golf de Lavaux et la probable interdiction des herbicides chimiques permettant d’en limiter la propagation représentera un vrai défi pour nos greenkeepers.
A Lavaux, les greenkeepers mettent en œuvre différentes mesures pour s’adapter. Ils ont réduit le nombre et la fréquence des traitements sur toutes les surfaces de jeu. En 2023, il n’y a eu aucun traitement insecticide et seules 4 applications de fongicides ont eu lieu sur les greens ; sur les aires de départ, fairways et roughs, un seul traitement herbicide a été fait.
Parmi les techniques utilisées par nos greenkeepers pour remédier à la disparition de certains produits phytosanitaires, on mentionnera : l’aération régulière des greens par piquage (« spiking »), en plus des carottages ; la préservation et l’amélioration de la microfaune dans le sol ; la lutte contre le pâturin et l’utilisation d’autres variétés de gazon, plus résistantes et moins gourmandes en eau (« agrostis » et « fétuque »). D’autres mesures sont à l’étude.
La législation suisse soumet aussi l’application des produits phytosanitaires sur le terrain à des règles strictes. Certaines distances minimales doivent notamment être respectées à proximité de zones sensibles comme les eaux superficielles, haies et lisières de forêts. Par exemple, le long des cours d’eau ou des étangs, une bande de 3m minimum doit être préservée sans aucun épandage de produits phytosanitaires ni d’engrais. Ces distances minimales peuvent aussi varier selon le type de produit utilisé ou encore la topographie du terrain.
Le durcissement du cadre réglementaire suisse concernant les produits phytosanitaires de synthèse pourra parfois avoir un impact visible pour les joueurs, même si nos équipes œuvrent quotidiennement pour développer des solutions qui préservent la qualité du jeu tout en se conformant aux nouvelles exigences.
Finalement, il est important de souligner que cette évolution n’a aucun lien avec la certification GEO obtenue par le Golf de Lavaux en 2023. Elle est due uniquement aux exigences édictées par les autorités suisses.